Perspectives d’évolution du transport maritime face aux nouvelles réglementation et exigences des chargeurs

Le 27 octobre dernier, l’Organisation maritime internationale (OMI) a confirmé la date d’application de sa nouvelle réglementation mondiale, visant à réduire la teneur en soufre des carburants maritimes de 3.5% à 0.5% d’ici 2020 (hors zone SECA). Cette baisse des rejets de soufre devrait éviter la mortalité précoce due à cette pollution de 40 000 personnes par an à travers le monde1.

Ceci rappelle que, même si le transport maritime a les émissions de GES les plus basses à la Tonne.km, tous   modes   confondus, ses   émissions   de   polluants   restent   assez   importantes, notamment celles de soufre. En cause, le carburant largement utilisé dans le transport maritime en haute mer, le HFO (Fuel lourd), dont la teneur en soufre se situe généralement entre 1 et 3.5%.

Cette diminution de pollution demandera un effort financier du côté des transporteurs. Pour adapter leur flotte à la nouvelle réglementation, ils auront deux possibilités

  • Utiliser des carburants plus légers, mais plus coûteux : le MDO (Diesel Marin) ou le MGO (Gasoil Marin). Le HFO ayant une teneur en soufre conforme à la nouvelle norme ne représente que 0.5% de l’offre actuelle de HFO, et ne pourra donc pas satisfaire toute la demande.
  • Investir   dans   des   dispositifs   épurateurs (scrubbers) permettant   de   filtrer   les   gaz d’échappement. La réglementation permet de continuer à utiliser du HFO en présence de ces dispositifs, à condition d’atteindre des émissions de soufre équivalentes ou inférieures à celles d’un carburant conforme.

Ces solutions sont semblables à celles utilisées en zone SECA. Toutefois, cette demande bien plus importante en carburant à l’échelle mondiale devrait entrainer une hausse des prix du MDO et MGO, déjà plus dispendieux que le HFO, ce qui rendrait l’investissement dans des dispositifs

Épurateurs plus avantageux économiquement.  L’utilisation de carburants plus coûteux poussera certainement les transporteurs à mettre en place des démarches visant à diminuer leur consommation, notamment par une augmentation du slow streaming (consistant à opérer en- dessous de la vitesse nominale).  Bien que ces deux scénarios permettent de respecter la réglementation, ils n’ont pas les mêmes conséquences en termes de rejets de polluants et GES.

Pour analyser l’impact de ces solutions, TK’Blue Agency a comparé trois configurations : un porte- conteneur 1900-3849 EVP fonctionnant au HFO, de motorisation SSD Tier 2 ; ce même navire utilisant un dispositif d’épuration ; et enfin un navire utilisant du MGO. Les coûts externes des rejets de polluants et GES sont présentés sur le graphique ci-dessous, et les coûts considérés par tonne de polluant dans le tableau suivant. Les coûts en phase d’utilisation ont été détaillés tandis que ceux de la phase amont ont été regroupés, pour plus de lisibilité.

*Consommation HFO = 96.13 kg/km ; consommation MGO = 90.54 kg/km ; Tonnage moyen =18490 T

Polluant CO2eq SO2 NOx PM25
Coût amont [€/tPol] 90 10241 10640 28108
Coût en utilisation [€/tPol] 90 4368 3928 10062

Même avec un épurateur, on constate que les émissions de soufre du HFO restent légèrement supérieures à celles du MGO. Par contre, le MGO entraine des émissions plus importantes en phase amont en raison de son raffinage plus complexe (le HFO étant un résidu). Ainsi, la configuration au HFO avec épurateur atteint des coûts équivalents à ceux du MGO, alors qu’elle est beaucoup moins plébiscitée : en plus de la complexification d’opération induite (suivi informatisé des émissions, collecte des résidus, …), l’incertitude sur la situation future du marché du carburant rend difficile la décision d’investissement. Cette tendance est confirmée par l’étude d’opinion de Lloyd’s List auprès des propriétaires, opérateurs et industriels du secteur (2015), où 27% des répondants considèrent le retour sur investissement pour un système de scrubber « incertain », et seulement 32% sont confiants à propos de la capacité de l’industrie à s’adapter à la réglementation en 2020.

De plus, la réduction des émissions de polluants se fait également par la diminution de la consommation de carburant : si les navires au MGO utilisent davantage de dispositifs de réduction de consommation à cause du prix élevé de ce carburant, le passage au MGO serait alors le scénario le moins coûteux pour la société.

Enfin, les émissions de NOx restent quant à elles élevées dans tous les scénarios : leur réduction passerait par des technologies d’épurations spécifiques à ce polluant, ou par la construction/conversion de davantage de navires au GNL, investissement aujourd’hui important mais permettant de baisser efficacement les rejets de tous les polluants étudiés.